Hello Mathieu, tout d’abord sache que je suis heureux de te recevoir, ici même sur mon « Blog ». Alors, venons-en au fait ! Installe-toi confortablement, permets-moi de t’offrir, un café, un thé peut-être ou préfères-tu un mojito ?
Pourquoi pas un café ? Quoique... Une petite bière fraîche si tu as ça en stock, je crois que nous avons beaucoup de choses à dire...
Bien, alors Mathieu, je vais être curieux, mais je suppose que tu t’en doutes bien étant donné que tu as accepté cette entrevue. Tu es un mec, auteur, lecteur, sans oublier que professionnellement tu as un travail prenant et une famille. Donc, l’une de mes premières questions en quelques mots, qui est Mathieu Avilès ?
Par quoi commencer... Première chose, pour donner une idée de mon masochisme, j'ai arrêté mon boulot de journaliste en 2014, pour me concentrer sur ma rééducation, kiné, musculation etc... Un ami m'a dit un jour « Ton boulot maintenant, c'est de faire des efforts tous les jours pour être en forme », c'est pas loin de la vérité ! Hormis ça, je suis un homme simple, d'une quarantaine d'années, passionné de cinéma, de musique, autrefois étudiant en audiovisuel puis journaliste. Ah, et j'ai une sclérose en plaques aussi, depuis 2007. Ça ne me définit pas, mais ça fait partie de ma vie. Hormis ça, j'aime sortir, profiter des instants avec les amis...
Comment fais-tu pour tout conjuguer ?
Je me lève tôt ! Plus sérieusement, je suis assez organisé. Je sais que le sport et la kiné m'occupent un certain nombre d'heures de la semaine, je jongle avec ces contraintes-là pour les autres tâches ô combien passionnantes de la vie quotidienne comme faire mes courses et m'occuper de mon appartement. Mes week-ends sont plus libres, je n'ai ni sport ni kiné. Ce sont mes deux jours « off ». J'en profite pour sortir, ne serait-ce qu'aller boire un café en terrasse, être en famille... Ces deux jours « off », c'est ma soupape de sécurité. Ça permet de s'aérer l'esprit, et éviter la claustrophobie d'un planning très carré.
@Crédit photo- Severine Adment
Je vais me pencher plus vers ton activité d’auteur si tu me le permets : quel est le cadre idéal ou tu aimes écrire ?
À mon bureau, dans le silence de mon appartement. Enfin, pour être plus précis, j'ai mes écouteurs vissés sur mes oreilles quand j'écris. Je me mets dans ma bulle. Lors des dernières phases de réécriture du livre, j'écoutais un album différent tous les soirs. De la musique calme, que je connais bien, du Sam Cooke, du Marvin Gaye... mais JAMAIS de découverte musicale quand j'écris. En fait, la majorité de l'écriture se fait dans ma tête, dans une sorte d'écriture automatique, sans que j'aie besoin d'y réfléchir. Un bout de phrase surgit à l'improviste, sans prévenir, puis tout le reste découle dans la foulée, ponctuation comprise. Puis ça se stocke dans un coin de mon cerveau. Et lorsque je m'installe à mon bureau, je n'ai plus qu'à rouvrir ce tiroir..
Même si je suis conscient que les auteur(e)s se servent de leurs vies pour écrire, je désire en découvrir plus sur tes sources d’inspirations, quelles sont-elles ?
Quelque part, j'ai refusé d'en avoir ! Je sais qu'il y a plusieurs autobiographies qui parlent de la sclérose en plaques, j'ai refusé consciemment de les lire, avant que l'écriture de mon bouquin ne soit dans la phase finale. Je voulais m'assurer d'avoir l'esprit libre de toute influence extérieure. Mais c'était déjà la même mécanique quand j'écrivais pour Le Régional. Je ne lisais JAMAIS les articles de mes confrères avant la publication des miens. Par contre, je reconnais bien une source d'inspiration, et c'est pas banal et assez peu littéraire : les autobiographies de groupes de rock. C'est en en lisant certaines que je me suis dit « Ah OK, alors on peut écrire comme ça, dans un style plus libre, écrire comme on parlerait... ». En fait, j'ai écrit comme si je parlais de ma vie avec un ami proche, autour d'un café, en y infusant beaucoup de mon caractère.
Qu’oserais-tu dire à des lectrices et lecteurs potentiels qui n’ont pas encore eu la chance de te lire ?
Qu'il s'agit d'un témoignage honnête sur ma sclérose en plaques, et ses à-côtés, d'où le titre du livre. Je n'ai rien éludé, caché ou dissimulé. J'y décris le mauvais (parfois) et le bon (le plus possible), sans pathos, avec des touches d'humour parfois noir. J'ai surtout voulu le rendre accessible, en évitant au maximum une approche trop médicale. Par exemple, j'ai limité les détails sur les traitements, les posologies... En fait, je suis un très mauvais malade ! Je me suis très vite désintéressé des explications scientifiques, du fonctionnement du système nerveux central, ou du rôle de la matière blanche. Je me suis contenté de la vulgarisation que les médecins me faisaient de la maladie, comme l'image de la lampe qui a des faux contacts. Par exemple, j'ai appris il y a seulement deux ans qu'il y avait des « formes » de sclérose en plaques, selon l'évolution de la maladie. Mon neurologue a eu la bonne idée de ne jamais m'en parler. Quand je l'ai interrogé à ce sujet, il m'a répondu « Monsieur Avilés, ça ce n'est pas votre souci. Votre boulot, c'est la rééducation et profiter de la vie ». Je ne peux que saluer cette réponse, elle correspond totalement à mon état d'esprit depuis 2007 ! Autre chose aussi, je n'ai pas voulu en faire un recueil de leçons de vie, il s'agit purement de mon expérience, et ma façon de vivre avec la maladie. Beaucoup de malades la dissocient d'eux-mêmes et lui donnent une identité,comme une colocataire, une compagne, une amie toxique ou une ennemie. Ça n'a jamais fait partie de ma façon de voir la maladie. Elle est là, elle fait partie de moi, mais elle n'est pas plus qu'une caractéristique, comme la couleur des yeux ou le timbre d'une voix.
(J’espère ceci-dit que mon retour au sujet de ton livre en l’occurrence « À côté de la plaque » publié sur mon blog va déjà donner aux lectrices et lecteurs l’envie de te lire).
Je l'espère ! Je souhaite que le livre ait un lectorat le plus large possible, parce que je l'ai voulu accessible à tous, malades évidemment, mais aussi aidants, parents, amis, lecteurs lambda. La sclérose en plaques est encore largement méconnue, on y rattache beaucoup de clichés, des clichés que moi-même j'avais en tête. Mais pour grossir le trait, il y a autant de scléroses en plaques que de malades, que ce soit au niveau des symptômes, des nerfs atteints, des évolutions etc... Autre point capital, pour tout livre acheté, 1€ sera reversé à la Fondation ARSEP, qui participe au financement de la recherche sur la sclérose en plaques, l'information des patients et du public etc...
D’ailleurs serait-il possible que tu me parle de ce livre. D’où t’es venue l’idée ? combien de temps as-tu mis pour l’écrire ? etc etc en clair je veux tout savoir ?
Tu as quelques heures devant toi ? Je plaisante, je vais résumer. L'idée d'écrire est venue en 2008. À l'époque, je sortais de mon premier traitement contre la sclérose en plaques, qui s'était très mal passé, avec une ribambelle d'effets secondaires, fatigue, problèmes de peau, dépression, pensées suicidaires... Quand j'ai commencé à aller mieux, je me suis aperçu que j'avais « zappé » certains détails de ma vie, et surtout, je voulais comprendre : la dépression avait fait remonter beaucoup de complexes que j'avais enfouis, comme le manque de confiance en moi à mon adolescence. Je me suis donc adressé à un psychiatre, qui m'a conseillé d'écrire sur ma maladie. Au départ, c'était donc un projet purement personnel. Puis j'en ai parlé à quelques amis, qui m'ont conseillé de continuer. C'est devenu un projet d'écriture pour les amis les plus proches, que j'avais pourtant tenus à l'écart lors de ma phase de dépression. J'ai mis le projet en stand-by pendant un temps, puis je l'ai repris épisodiquement, presque en dilettante, avant que je me lance le défi de finir par le publier, sans trop y croire. Puis un ami, que j'ai rencontré en clinique de rééducation à Marseille en 2019, m'a motivé. Il me disait souvent « Tu n'es pas tout petit, tu es une voix. Et elle mérite d'être entendue ». Je m'y suis donc remis plus sérieusement. Le gros coup d'accélérateur est arrivé à l'époque du confinement de mars 2020. D'un seul coup, plus de kiné, plus de muscu, plus de café en terrasse. Je me suis donc occupé ! Ça a été le bon point de ce confinement ! J'ai surtout sécurisé ce partenariat avec l'ARSEP. Je voulais que ce projet devienne plus important qu'un bouquin pour moi et les amis, et surtout que ce projet profite à d'autres que moi, sans me douter que l'aventure puisse aller si loin. Au final, ce livre aurait pu finir en pièce jointe dans la boîte mail de mes copains !
Si tu avais le choix d’un ou une auteur(e) pour un quatre mains, qui choisirais-tu ?
Sur un projet vraiment personnel ? Je n'en prendrais probablement aucun. Pour À côté de la plaque, je voulais m'assurer que le livre me reflète à 100%. Mais pour un projet moins intime, même si je n'ai pas de nom en tête, pourquoi ne pas travailler avec quelqu'un qui puisse m'amener son expertise ?
Pourrais-tu me parler de tes livres déjà écrits ?
À côté de la plaque est mon premier livre ! Je n'avais pas prévu de me lancer dans l'écriture, ce projet est né d'une nécessité.
Ton tout premier manuscrit finis ?
Pas vraiment un manuscrit, mais pour conclure mes études d'audiovisuel, j'ai adapté en scénario le roman Sagas, de Tonino Benacquista, qui parle d'un pool de scénaristes qui crée une série télé qui devient culte par accident. J'ai aussi écrit un scénario de court-métrage teinté d'humour noir. après mes études.
Tu es auto édité ou en Maison d’édition et pourquoi un tel choix ?
Je suis en maison d'édition. Quand je finissais l'écriture, je me suis posé la question évidemment. Il y a beaucoup de choses en terme de mise en pages que je ne sais pas faire, ne serait-ce que la création d'une couverture. Avec Le Lys Bleu Éditions, j'avais un contrôle total sur tout, notamment la couverture. Je leur ai expliqué ce que je voulais, je leur ai envoyé les éléments comme la photo de couverture, le logo de l'ARSEP et le ruban bleu symbole de la sclérose en plaques. Puis j'ai pu tout customiser et valider. J'avais aussi besoin du réseau de distribution. Le livre a ainsi fait le tour de la France, et est même parti jusqu'en Belgique ! Et pour des raisons pratiques, il m'était impossible de faire le tour des différents prestataires.
Avant de conclure le chapitre auteur, peut-être as-tu envie de m’offrir un scoop sur ton futur projet
De toute évidence, ça ne sera pas un autre livre sur ma sclérose en plaques ! Mais peut-être plus tard, qui sait... J'ai commencé à travailler sur un livre qui traite de la nostalgie des années 80 et 90, à travers mes souvenirs cinéma, musique, télévision, jeux vidéos, avec en toile de fond une question, pourquoi est-on nostalgique de ces années, et en quoi cette nostalgie est devenue une valeur marchande largement lucrative ?
Passons à l’aspect lecteur. Comment choisis-tu tes lectures ? Quels sont tes styles de prédilections ?
Paradoxalement, je suis un lecteur assez peu assidu, pour des raisons de contexte principalement. Jusque récemment, je n'avais pas de vraie bibliothèque, ni d'environnement assez serein pour me plonger dans un livre. Je m'y remets donc doucement, parce que j'aime lire, surtout si ce n'est pas imposé ! C'était une tannée de lire quand j'étais lycéen ou étudiant, parce que toute notion de plaisir était oblitérée par le fait que c'était un devoir pour l'école. Mais par contre, quand Shakespeare était au programme du lycée ou de mon DEUG d'anglais, j'achetais par moi-même d'autres œuvres du dramaturge, que je lisais avec beaucoup plus de plaisir.
Ton auteur(e) favori(e) ? (Des raisons évidentes à ton jugement …)
Je dirais Edgar Poe. Rien à voir avec la sclérose en plaques ! Mais quand j'étais petit, je regardais beaucoup de films d'horreur « classiques », comme les Dracula avec Bela Lugosi ou Frankenstein avec Boris Karloff. J'aime cette horreur gothique, ces questionnements sur notre humanité, nos cauchemars...
Le tout premier livre que tu as lu, c’était quoi ?
Pas sûr que ça compte, mais j'ai lu beaucoup de Martine quand j'avais trois ans ! J'ai appris à lire très tôt, seul, sans être allé en école maternelle (j'y suis rentré quand j'avais quatre ans et demi), mais j'étais curieux, et je voulais comprendre. Je consacre d'ailleurs un chapitre à ce mécanisme dans mon prochain livre. Quant à un « vrai » livre... Je dirais La gloire de mon père, de Marcel Pagnol.
Ton coup de foudre littéraire ? Le livre qui t’a le plus bouleversé ? (Les raisons à cela)
Deux, en fait ! Le meilleur des mondes de Aldous Huxley et 1984, de George Orwell, que j'ai lus l'un à la suite de l'autre. J'aime ces dystopies, l'humanité aliénée par une société totalitaire. Je me rappelle aussi d'Orange mécanique, d'Anthony Burgess, que j'ai lu quand j'étais au collège juste après avoir vu le film de Kubrick. J'en avais même fait un long commentaire de texte pour mes cours de français, en Quatrième. Ma prof de Français était un peu désarçonnée par ce choix !
Pour nourrir ma curiosité, j’aimerais aussi te demander si tu regardes la télévision, des séries peut-être ou des films, dis-moi tout ?
Je ne suis pas vraiment téléphage ! En fait je n'aime pas l'idée d'un rendez-vous imposé par une série. Mais quand j'étais étudiant, j'avais un rituel avec ma mère, la soirée Urgences du dimanche soir ! En fait je découvre les séries en retard, en achetant les coffrets DVD. Par exemple, j'ai découvert l'an dernier la série The Office, version anglaise et américaine. J'adore aussi Breaking Bad, ou Le prisonnier, avec Patrick McGoohan. Je dois aussi me plonger dans Twin Peaks, The Sopranos. Par contre, comment ne pas mentionner Kaamelott, que j'adore pour une foule de raisons ! La cinéphilie par contre, là je suis nettement plus atteint ! J'ai des goûts très éclectiques, tout dépend de mon humeur et de ce que je recherche, qu'il s'agisse d'un blockbuster décérébré à grand spectacle, d'une comédie ou d'un drame intimiste.
Et la musique dans ta vie, a-t-elle une place ? Tes goûts …
La musique a au moins autant de place dans ma vie que le cinéma ! Là aussi, j'ai des goûts très larges. Tout dépend du contexte et de l'émotion recherchée en fait. Par exemple, quand je vais en salle de sport, je prends mon lecteurs mp3, j'enfonce mes écouteurs filaires dans mes tympans (oui, j'ai un coté old school), je lance une playlist Metal concoctée par mes soins, et je pousse de la fonte ! Par contre, chez moi, l'ambiance est bien plus calme ! Principalement du jazz, de l'electro assez planante comme Moby, ou quelque chose de plus rock comme The Ramones ou The Clash. Et Black Sabbath bien sûr, on n'oublie pas d'où l'on vient !
Voilà, nous arrivons bientôt à la fin de cet entretien MAIS, serait-il possible que tu glisses les liens ou l’on peut te découvrir ?
Bien sûr, j'ai créé un groupe sur Facebbok consacré au livre, j'y poste régulièrement des extraits, des articles de presse, les photos réalisées par Séverine Adment ma photographe : https://www.facebook.com/groups/acdlp/
Le livre est aussi disponible sur Amazon, Fnac, Cultura etc...
Sans oublier de t’interroger sur mon blog, comment trouves-tu mon idée ?
C'est justement une très bonne idée de mettre en avant les auteurs, dans toute leur pluralité ! Quand on écrit un premier livre, on a souvent l'impression d'être seul, et que la publication d'une œuvre est réservée aux noms déjà établis. Merci donc de prouver le contraire !
Où va-t-on avoir la chance de te croiser en salon cette fin d’année ?
À cause de mes contraintes physiques, je ne me suis pas vraiment penché sur les salons et les manifestations littéraires. Impossible par exemple de conduire sur une longue distance. Mais au final, tout est organisable, les options sont donc ouvertes !
Et enfin quels sont tes vœux et résolutions pour la fin d’année 2022 ?
De résolutions, pas vraiment, parce que c'est typiquement le genre de choses qu'on ne tient jamais ! Je dirais plutôt des objectifs, à savoir retrouver et conserver mon rythme de rééducation, voir les progrès s'empiler comme les blocs de pierre d'une pyramide, sortir plus régulièrement sans rentrer chez moi épuisé, bref, avoir une vie presque normale !
Mathieu, je te remercie profondément de m’avoir accordé ce temps, même si je sais vu tout ce que tu fais, qu’il t’en manque. Aux plaisirs de se revoir autour d’un café bientôt.
Merci à toi !